Une démarche dans les Cévennes
C’est en 1967, dans une grande bâtisse prêtée par F. Guattari, que Fernand Deligny vient à Monoblet. Il n’est pas seul en ce mois de juillet, Marie Rose, Guy, Any, Gisèle, Janmari et moi, sont aussi présents.
Janmari est autiste mutique âgé de 11 ans. Le hasard des rencontres a fait que sa maman vient de le confier à F. Deligny.
Diagnostiqué encéphalopate profond, Janmari risque de se retrouver dans un service psychiatrique pour enfant. Il a même été question d’une lobotomie … !
Sans aucune discussion ni réunion entre ce petit groupe qui réside à Gourgas, il est décidé de rester là, dans cette grande demeure en compagnie de ce gamin, afin d’éviter le sort qui lui est réservé. “Initiative populaire” écrira F. Deligny.
Un an plus tard les remous et les agitations de l’après “68” forcent à quitter Gourgas.
Les uns et les autres trouvent à se loger où ils peuvent. Trois lieux se mettent en place. Un s’installe au village, le second dans le hameau de Graniès et le troisième lieu est plutôt une suite de campements.
Deligny a plus de 50 ans. Ce n’est pas son premier séjour en Cévennes.
En 1958 il est à Thoiras puis plus tard ce sera à Anduze.
La plupart de celles et ceux qui sont là, en cet été 67, ont participé aux “tentatives” précédentes avec lui, dont le tournage du film “Le moindre geste », pendant presque 3 ans.
Très vite d’autres enfants profondément autistes viennent à Monoblet.
Cette démarche tente de montrer que ces gamins déclarés inéducables, intestables, invivables, peuvent être tout à fait vivables dans d’autres circonstances.
Une caméra super 8mm et plus tard une caméra vidéo, circulent pour que les lieux d’origine de ces enfants puissent les voir aux prises avec le quotidien des aires de séjour.
C’est souvent une surprise pour ces parents de les découvrir comme ils ne les avaient jamais vus.
Dans les années 70-80 d’autres lieux verront le jour aux alentours de Monoblet. Ils perdureront pour certains quelques mois, pour d’autres quelques années.
Les attitudes des enfants mutiques sont parfois étonnantes et déroutantes. Ces comportements engendrent suppositions et interprétations qui sont loin de satisfaire F. Deligny. Il propose aux présences proches de chaque lieu de tracer “les cartes”.
Les tracés de trajets et de “lignes d’erre” arrivent à Graniès. Gisèle Durand et Deligny les étudient, les comparent. Gisèle retranscrit ce qui semble faire repère à presque tous ces enfants qui vivent hors le langage.
L’objet de ce travail, le but de cette recherche n’est pas centré sur les enfants mais plutôt sur ce qui est repérable dans le monde qui les entoure, dans ce “Nous là”, présences proches.
Un long travail de reproduction et de mise en page réalisé par Sandra Alvarez et sa collaboratrice Anaïs Masson, “Cartes et lignes d’erre” aux Editions L’Arachnéen, permet que cette recherche qui a duré un dizaine d’années n’ait pas disparu.
Cette démarche dans les Cévennes, cette position d’accompagner des gamins et des adultes autistes 24h sur 24, n’aurait pu perdurer presque 30 ans, sans l’aide de partisans qui la soutenaient ou en répondaient, de près comme de loin.
Renaud Victor, Jacques Allaire, Richard Copans, Thierry Garrel font partie de ceux là.
Sans oublier les Parents.
Fernand Deligny disparait en 1996 à Monoblet.
Poète, écrivain, libertaire, initiateur, philosophe,
artiste, ….
Certainement tout ça à la fois.
Jacques Lin
Plusieurs films ont été réalisés pendant cette période.
– Ce gamin, là , de Renaud Victor. (1975)
– Projet N, d’Alain Cazuc. (1979)
– À propos d’un film à faire, de Renaud Victor. (1989)
Les Éditions L’Arachnéen ont édité : (http://www.editions-arachneen.fr)
– Œuvres (2007 et 2017)
– Arachnéen et autres textes (2008)
– Journal de Janmari (2013)
– Cartes et lignes d’erre (2013)
– Correspondances (2018)
– Camérer (2021)
Les Éditions Le Mot et le reste ont édité : (https://lemotetlereste.com)
– Essi et Copeaux (2005)
– La vie de radeau (2007)
La Maison de Production de documentaires Les films d’ici: (http://www.lesfilmsdici.fr)
– “Monsieur Deligny”, film de Richard Copans -1h35 mn (2020)
Qui retrace le parcours de ce « vagabond efficace » de 1940 à 1996
– “Aucun d’eux ne dit mot” film de J.Lin – 45 mn (2020)
Moments de la vie commune avec les personnes autistes à Monoblet.